Solventis : l'electric folk à la française
Solventis est le projet dark folk de la chanteuse, multi-instrumentiste et compositrice toulousaine Sophie Peyre. Pour la sortie de ce deuxième album, véritable recueil de poésie, elle s'associe avec la photographe et musicienne Melody Morana. Du reste, les deux artistes ont déjà fait leur preuve sur scène, avec notamment une apparition au Brutal Assault, en République Tchèque.
Pour qualifier certains passages, le mot "minimaliste" semble juste, mais que l'on ne s'y méprenne pas : l'album fait bien preuve d'une richesse certaine. Dès le début de l'œuvre, on sent l'influence de la chanson française traditionnelle. L'exercice est complexe : s'il n'est pas aisé de séduire avec des paroles en français une audience qui baigne constamment dans la langue anglaise, la voix forte et théâtrale couplée à la musique légère stimule l'imagination et nous plonge alors dans un bel océan de mélancolie.
Tout du long, le duo est créateur d'ambiances ; parfois, la voix aérienne (qui n'est pas sans rappeler Kate Bush) se met au service du morceau et constitue un instrument parmi d'autres. C'est le cas sur "Toutes les Lumières", qui nous ramène quelque peu à l'excellent Grand Voyage (2019) de Klone. Les dernières minutes sont appuyées avec finesse par les synthés et les riffs de guitare. Associés aux envolées vocales, ils nous procurent un des moments les plus puissants d'Alcyon. Les nappes synthétiques reviendront en force sur "Rain Bird". Leur intervention, bien qu'hautement réussie, est trop brève : on en aurait aimé davantage !
"Folia" et "L'Air des Lys" nous sont plus franchement contés par la chanteuse, dont le discours touchant est doucement soutenu par la guitare acoustique. "Burns", premier titre de l'album à être interprété en anglais, bénéficie encore de chœurs enchanteurs, puis d'une montée en puissance qui parlera aux amateurs de metal atmosphérique scandinave.
Si l'auditeur ne l'a pas compris à ce stade, Sophie Peyre aime sortir des sentiers battus, et c'est ainsi qu'elle signe un bien bel interlude a capella et en Sanskrit du nom de "Om Namo Narayana". "Primevère" retourne à un chant en français pur, peu (ou pas) retouché et empreint de candeur. En dépit de cela, le morceau s'achève sur une apothéose de pistes vocales qui se chevauchent et qui prennent aux tripes.
À ce stade, une compo' entièrement au piano est le souhait qu'on n'osait faire : très organique, "Faerie" surprend par sa force tranquille, sans jamais basculer dans la morosité. Pari risqué, mais réussi ! Cet Alcyon s'achève sur le titre le plus brut, où la voix est dépourvue du moindre effet.
À travers ses 36 minutes, Sophie Peyre peint une toile bien à elle et pour laquelle on ne peut que se passionner. L'aspect presque cinématographique qui caractérise certains sons nous fait imaginer une expérience sur scène qui, à coup sûr, pourra être qualifiée d'extrasensorielle. Tout ce qu'on espère pour la suite, c'est que Solventis se permette des compositions encore plus poussées, plus développées, mais sans jamais perdre cette identité sombre et nostalgique qui les caractérise.
À voir → le live du titre "Toutes les Lumières" :