Il y a deux ans, songer à la reprise des concerts tels qu’on les connaissait semblait chimérique. Cette nouvelle édition du Hellfest Open Air était tout aussi lointaine et, surtout, improbable, car l’échelle du festival dans ce contexte sanitaire rendait impossible un déroulement normal, entraînant non pas un, mais deux reports depuis 2020.
Ainsi, pour les festivaliers haletant d’impatience et trop longtemps privés de leur pèlerinage annuel sur les terres clissonnaises, ce crû 2022 représentait LE retour vers ce qui les faisait vibrer avant la pandémie. En fin de compte, rien de mieux qu’une double édition afin de célébrer comme il se doit le quinzième anniversaire du fest !
Pourtant, les quelques semaines précédant l’échéance ont été pour nous teintées d’euphorie, certes, mais aussi d’appréhension : l’euphorie, car nous allions enfin pouvoir nous repaître de cette atmosphère estivale bien-aimée et musicalement jouissive. L’appréhension, car une bonne partie d’entre nous allait devoir affronter pas moins de sept jours de festivités après une très longue pause des concerts.
Néanmoins, une fois passées les portes, c’est une vive impression d’avoir quitté le site la veille qui nous a envahis. Il ne nous restait plus qu’à savourer chacun des ingrédients qui rendent notre céleste enfer si addictif…
Reportage par nos envoyés spéciaux Lucinda et Stef. Photos par Julien Zannoni (hormis lorsque mentionné).

L’arroseur arrosait !
CUISSON À CLISSON
Bien sûr, le parcours ne se fait pas sans embûches, puisqu’il nous faut affronter une météo plus capricieuse que jamais, à commencer par deux journées de chaleur pesante en ce premier week-end.
En amont, le festival a eu l’excellente idée d’autoriser les gourdes et bouteilles d’eau – chose rare, voire inexistante en France pour un événement musical de cette ampleur. Et devant les Mainstages, dès lors que les impitoyables rayons commencent à gentiment cuire sur place les spectateurs aux heures les plus chaudes de la journée, un agent de sécurité se fait un malin plaisir à nous irriguer généreusement d’une lance à eau ! En plus de la « Hellfresh », rideau d’eau animé déjà connu des éditions passées, des espaces brumisateurs sont aussi rapidement mis en place.
Quoiqu’il en soit, il reste difficile de se requinquer à l’ombre entre deux concerts, la forêt devant l’espace restauration étant prise d’assaut. De manière générale, les abris manquent là où on les attend, que ce soit au niveau des tables du Food Corner ou à l’espace VIP. Sous les Altar et Temple, l’impression de se trouver dans une serre n’aurait pu être plus authentique, et si la pose d’un bitume à ces endroits permet de ne plus être gêné par la poussière de la terre à nue, on se demande si on ne récupère pas quelques degrés supplémentaires à cause de cela… Quant à l’espace presse, d’habitude fourmillant de journalistes, c’est sans exagérer qu’on peut le comparer à un véritable sauna finlandais. Mais sans la possibilité de se jeter dans la neige juste après…
Et comme chaque année, l’organisation ne manque pas de communiquer certains chiffres à l’issu du fest, en particulier la quantité de litres de bière consommée : quoique toujours considérable, elle s’est élevée en moyenne à 400 000 litres sur chaque week-end, contre 440 000 sur les trois jours de l’édition 2019. Il fallait bien cette canicule écrasante pour que le métalleux ose faire des infidélités à sa divine pinte !

De l’eau en Enfer
Heureusement, le public, aussi tolérant que passionné, n’est pas prêt à laisser les éléments ternir son grand retour en « lieu saint ». Les améliorations sont multiples, et ce, dès l’arrivée du festivalier dans la ville de Clisson, avec la création de deux parkings dédiés au Hellfest, ainsi qu’une navette entre le parking le plus éloigné et l’entrée principale. Quand l’organisation a eu vent des limites de ce système (parkings complets ou presque dès le premier jour, navettes trop peu fréquentes…), elle redressera quelque peu le tir la semaine suivante.
VENDREDI 17 JUIN 2022

Photo : Lucinda
En plus du sol entièrement bitumé sous les Altar et Temple, il nous semble constater que le corbeau surveillant le Hell Food Court est nouveau, et il en impose bien. À l’orée de la petite forêt, toujours près de l’espace restauration, de nouvelles sculptures : un superbe visage de femme à moitié écorchée, ou encore une tablée de squelettes exposée dans une cage.
Après une visite minutieuse, l’espace VIP ne présente pas de réelle modification, mis à part un mur entier dans le bar orné de portraits d’artistes nous ayant quittés ces dernières années, tels que Chester Bennington (LINKIN PARK), Joey Jordison (SLIPKNOT), Chris Cornell (SOUNDGARDEN) ou encore Alexi Laiho (CHILDREN OF BODOM). Un bel hommage tout en sobriété.
Mais la création artistique la plus remarquable reste évidemment la nouvelle statue de Lemmy, à l’entrée de la Warzone, par la talentueuse artiste Caroline Brisset : un peu sceptiques au premier abord de devoir dire adieu à l’ancienne, il nous faut admettre que sa remplaçante impose une certaine classe et une originalité évidente.
Place aux concerts !
ABRAHMA démarre les hostilités sous la Valley, et son stoner/doom est agrémenté de passages assez rentre-dedans si on considère le genre. Une entrée en matière pas désagréable et une bonne première petite découverte.
Changement de scène et direction la Temple pour MORTIS MUTILATI dont le black metal ne nous accroche pas plus que ça. Le son pas idéal n’a peut-être pas aidé, avec notamment des parties en chant lyrique qui ne ressortaient pas toujours bien. Bref, à voir ce que ça donne sur album, car il se dégageait une ambiance à part malgré tout.
Petit décalage pour se placer maintenant face à l’Altar. Là encore, pas complètement entré dans le death proposé par NECROWRETCH. C’est pourtant super carré et ça tabasse sévère, mais il m’aurait fallu un petit plus*. Je me rends aussi compte que je deviens de plus en plus difficile avec ce style…
Après une petite pause, voici le premier groupe que j’attendais pour cette édition : MEPHORASH. Les Suédois ont marqué le coup il y a quelques temps avec le clip de Sanguinem puis avec leur livestream en pleine forêt. En concert, on retrouve le même genre de mise en scène avec des costumes et ce côté très théâtral façon messe noire. Niveau son, une sorte d’écho au niveau de la batterie m’a quelque peu gâché l’expérience. Légère déception, donc, mais un groupe à suivre et à revoir.
Au contraire, et comme à son habitude, LEPROUS offre un concert propre au son excellent. Sans grande surprise, le concert démarre néanmoins sur Out Of Here, chose qui n’est pas systématique. Si les quarante minutes accordées au groupe sur la Mainstage 2 n’auront probablement pas suffi pour conquérir de nouveaux fans, les deux derniers morceaux, grâce à la puissance des screams déchirants, engagent la foule.
Bien qu’Einar (chant) promette que la façon dont a été écrit Nighttime Disguise ne se reproduira plus jamais (c’est-à-dire, en proposant aux fans de participer à l’écriture du morceau sur Internet tandis que le groupe est filmé 24h sur 24h en studio), on ne peut s’empêcher de songer encore que cette démarche a donné naissance à un morceau monumental !

Tor Oddmund Suhrke (guitare) et Baard Kolstad (batterie) de LEPROUS ne se privent de rien ! (source)
À l’instar de MEPHORASH plus tôt dans l’après-midi, SETH présente un black très théâtral, quasi cérémoniel, tandis que Saint Vincent (chant) illustre la performance de multiples accessoires. Groupe culte de la scène black francophone, SETH a fait son retour l’année dernière avec l’album « La Morsure du Christ ». On sent un combo parfaitement en place et qui assure le show, avec des claviers audibles exhaussant les compos’ et une belle mise en scène de bout en bout. Le public ne s’y trompe pas et répond bien présent. Un excellent moment !
Absolument pas prévu au programme initial, je me rappelle avoir passé un bon moment de retour sous la Valley pour WITCHCRAFT, mais sans que cela soit riche en rebondissements. À redécouvrir donc dans de meilleures conditions en salle.
Vient maintenant le temps d’invoquer les grands anciens avec le post black des Français THE GREAT OLD ONES ! Groupe attendu, à la vue de la tente bien remplie. Malgré les changements de line-up de ces dernières années, le groupe n’a rien perdu de son efficacité et envoie toujours du lourd avec ses ambiances sombres. Cthulhu fhtagn !
Tout comme nous l’avions constaté lors de leur passage au Download en 2018, une grande scène baignée de soleil n’est pas forcément le meilleur cadre pour apprécier la musique plutôt sombre et progressive des Suédois d’OPETH, qui se retrouvent de nouveau programmés sur une Mainstage en plein après-midi ! Qu’à cela ne tienne, l’humour de Mikael Åkerfeldt, ajouté au plaisir d’entendre son chant clair paisible et ses growls caverneux, valent tout autant le détour. Le démarrage réussi sur Hjärtat Vet Vad Handen Gör démontre la qualité du dernier album « In Cauda Venenum » (2019), en dépit d’un problème de son dans les aigus.
Afin d’introduire The Drapery Falls, Mikael nous explique qu’en 20 ans de carrière, environ un album sur deux est parvenu à « atteindre le point G » ! Ce qui, d’après lui, est le cas de « Blackwater Park » (2001). Face à la foule en délire malgré la chaleur pleuvant sur elle, le chanteur exprime son admiration : « Je serais incapable de faire ce que vous faites. En même temps, nous, on vient de Suède… ». On bénéficie donc d’une bonne setlist, mais pour une performance sans artifice ni surprise.
On reste au niveau des Mainstages pour THE OFFSPRING, où l’enchaînement de classiques fait plaisir à entendre, puis pour les Irlando-Américains de DROPKICK MURPHYS qui offrent des titres redondants mais tubesques. En cours de route, Ken Casey (chant) nous informe que le prochain titre Two 6’s Upside Down, extrait du nouvel album, va être filmé pour un futur clip. Quoique très linéaire musicalement, la performance a le mérite de se produire au soleil couchant afin de nous faire profiter de températures enfin tolérables, tandis que les confettis donnent au concert une saveur de vraie fête.

DROPKICK MURPHYS
Retour sous la Valley pour découvrir BARONESS après avoir souvent vu passer le nom sans jamais m’être attardé dessus. Leur sludge/hard rock un peu prog’ tourne à plein régime avec un groupe visiblement heureux d’être sur scène et communiquant cette joie au public. Les titres s’enchaînent et le concert passe super vite avec une grosse ambiance et de l’énergie à revendre. Le public est conquis !
C’est en Mainstage que cette première journée s’achève à l’occasion du concert que j’attendais le plus aujourd’hui : DEFTONES. C’est Genesis, extrait du dernier album, qui ouvre le bal. Nous avons ensuite droit à une setlist best-of piochant dans quasiment tous les albums avec pas mal d’anciens morceaux qui font toujours plaisir à entendre et mettent tout le monde d’accord.
Ce n’est pas systématique, mais aujourd’hui, Chino Moreno est en voix, et c’est tant mieux. Et comme à son habitude, il tient parfaitement la scène en la parcourant de long en large. Le chanteur sort également sa guitare sur quelques morceaux plus calmes.
Bref, pas le temps de s’ennuyer. En plus de ça, le son est bon pour pleinement en profiter. Le show passe super vite et le groupe termine sur un enchaînement bien vénère avec Headup, Lotion et le classique 7 Words. Une bonne claque qui achèvera parfaitement bien cette première journée !
Sur le chemin du retour, on croise la file de gens patientant pour prendre une navette. Beaucoup d’attente en perspective. Le point a déjà été évoqué à maintes reprises dans la presse, mais il est vrai que cela sera à revoir pour l’année prochaine…

À très vite pour la suite…
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* nous avons pris la liberté de conserver la première personne au sein de la plupart des parties écrites par Stef.