La fin du monde ! Ou plutôt… Le début ? L’infini ? À en juger ce nouvel album, « Omega » et la myriade de symboles semés dans les paroles et sur la superbe pochette, EPICA continue d’approfondir les thèmes spirituels et philosophiques qu’ils ont toujours affectionnés.
5 ans se sont écoulés depuis la sortie de « The Holographic Principle » : pour une fois, le groupe mené par Mark Jansen s’est autorisé une petite pause, ayant pour habitude de tourner massivement entre chaque sortie.
Dès fin 2019, les affaires ont repris, notamment pour célébrer sur scène le dixième anniversaire de « Design Your Universe » (lire notre reportage du concert à Paris !). En revanche, pour cause de pandémie, la tournée en co-headline avec APOCALYPTICA prévue fin 2020 se voit reportée à deux reprises… Parviendront-ils à fouler les festivals européens cet été ? Seul l’avenir connait la réponse à cette question !
Mais loin de se laisser abattre, le groupe s’est mis en mode promo à fond les manettes, et c’est au terme d’une de ses longues journées d’interviews que nous avons contacté Simone Simons à l’occasion de cette nouvelle sortie tant attendue.

Pour l’écriture d’ « Omega », avant le confinement, EPICA a séjourné une semaine dans une maison de campagne aux Pays-Bas. Qu’est-ce que le groupe a retiré de cette expérience ?
Avant cela, il est vrai qu’on écrivait le nouvel album entre deux tournées. Cette fois, on a pris une année sabbatique suite à la plus grande tournée qu’on ait jamais faite. On a pris le temps de recharger nos batteries et retrouver toute notre motivation pour composer. Par le passé, nous étions trop épuisés entre deux tournées pour nous réunir… En plus, nous sommes dispersés dans quatre pays différents, et il est assez difficile de nous retrouver au même endroit.
C’était une super expérience : on était dans une belle maison rien qu’à nous, chacun avait sa chambre, son studio… Joost (Van Der broek, ndlr), notre producteur, était là aussi, et on travaillait par équipe de deux ou trois. Cela nous a permis d’échanger nos idées créatives sur le moment : d’habitude, on s’envoie des emails, ça prend beaucoup plus de temps, et le résultat n’est pas le même.
Dorénavant, allez-vous procéder de cette manière ?
Oui, je pense : on en a retiré du positif, donc on garde ça en tête pour les prochains albums. On a l’habitude de tourner énormément et de ne pas refuser les opportunités qui s’offrent à nous. Cette fois, on en a décliné certaines afin de ne pas se laisser distraire et se consacrer entièrement à la composition.

Photo : Stefan Heilemann
Parce que tu ne pouvais plus voyager courant 2020, tu as dû enregistrer ton chant seule en Allemagne, près de ton domicile. En quoi ces nouvelles dispositions ont changé ta façon de travailler ?
Simone Simons – Cette fois, j’ai dû en effet me rendre dans un studio près de chez moi, au tout début de la pandémie. Joost était de nouveau présent, mais via zoom : on pouvait donc communiquer et échanger sans problème. Bien sûr, pendant ce temps-là, un ingénieur-son était présent, mais dans une autre pièce, pour éviter que l’on se croise à cause du virus… (Rires) Mais même quand je me rends aux Pays-Bas pour enregistrer, je me retrouve seule dans une cabine insonorisée, tandis que Joost me suit depuis la salle de contrôle. En ce sens, ce n’était pas si différent.
En revanche, c’était la première fois depuis longtemps que je partais de chez moi le matin et que je rentrais l’après-midi ! En temps normal, je m’absente deux semaines pour les enregistrements. C’était un peu l’avantage…
Dans tous les cas, le fait de me concentrer sur mon chant plusieurs heures d’affilée me vide de toute énergie, donc je ne peux pas vraiment me permettre de traîner et de discuter en fin de journée. Je m’y mets à fond, et quand j’ai terminé, je file me coucher ! (Rires)

Photo : Jens De Vos
Finalement, dirais-tu qu’il était plus reposant de ne pas avoir à voyager pour enregistrer ?
En fait, non : quand je suis loin de chez moi, j’ai la possibilité de me reposer à l’hôtel après une journée de travail. Là, mon fils était à la maison toute la journée car les écoles étaient fermées. Mon mari (Oliver Palotai, ndlr) et moi devions nous relayer : je partais enregistrer le matin, et à mon retour l’après-midi, c’était à son tour de partir travailler.
D’habitude, après une journée passée en studio, je pars tout de suite me coucher. Mais là, ce n’était pas possible. C’était quand même agréable de rentrer chez soi le soir, mais faire la cuisine, le ménage… C’est comme avoir un second job ! (Rires)
Peux-tu préciser les thèmes qui vous ont intéressés au moment de l’élaboration d’ « Omega » ? Plus que jamais, on décèle un bon nombre de symboles…
Le thème prédominant est l’équilibre entre le yin et le yang, l’ombre et la lumière. On retrouve aussi la recherche du sens de la vie, et l’ « omega » met en exergue la fin de l’univers : le scientifique et le spirituel se réunissent, le big bang est l’origine, et l’oméga représente la fin.
On aborde aussi le réchauffement climatique, l’édition génomique, la dépression, les luttes internes, le combat entre les ténèbres et la lumière… Ce sont des thèmes récurrents, très spirituels et philosophiques, entrelacés avec des thèmes qui nous sont plus personnels.
![Epica - Omega]()
Qu’est-ce qui t’a poussé à aborder la dépression ?
Des personnes de mon entourage en souffrent. La bonne nouvelle, c’est que le sujet est moins tabou qu’avant : aujourd’hui, on considère vraiment la dépression comme une maladie. En tant que personnalité publique, je pense qu’il est important que je fasse comprendre aux gens qu’ils ne sont pas seuls…
En se penchant sur les détails, en bas de la pochette, on aperçoit une femme répétée plusieurs fois. Que symbolise-t-elle ?
C’est marrant, parce qu’il s’agit en fait de l’épouse de Stefan Heilemann, qui est à l’origine de l’artwork ! On la voit essayer de naviguer dans un labyrinthe, qui représente la vie, mais aussi le labyrinthe qui se trouve en elle.
On aperçoit également le numéro 8 sur la pochette, car il s’agit de notre huitième album, mais qui, tourné à 90 degrés, devient le symbole de l’infini. De plus, la dernière partie de la série Kingdom Of Heaven se trouve en huitième position dans la tracklist, et elle aborde la vie après la mort, donc l’infini. Enfin, l’ânkh (la croix égyptienne) symbolise le souffle de la vie.
Était-ce un choix délibéré de lier votre huitième sortie au symbole de l’infini ?
Je pense que ce n’était pas vraiment une coïncidence, mais me concernant, ce n’était pas non plus fait exprès… Peut-être que pour Mark (Jansen, ndlr), c’était le cas !
Qui entend-on parler sur Twilight Reverie – The Hypnagogic State ?
Il s’agit de Vicky (Psarakis, ndlr), la chanteuse de THE AGONIST. Je ne savais pas qu’elle devait être impliquée, les gars du groupe ne me l’ont dit qu’après coup !
On a aussi notre ingénieur-son qui parle sur Abyss Of Time. Il avait déjà participé à Once Upon A Nightmare sur « The Holographic Principle » (2016). Il possède vraiment une superbe voix profonde qui convient très bien à ces passages…
Durant les cinq années qui séparent vos deux derniers albums, vous avez sorti pas mal de choses, dont vos propres versions de la BO du célèbre manga « Attack On Titans ». Sur certains morceaux, ton débit de parole est très rapide !
Oui, j’avais presque l’impression de faire du rap ! (Rires) C’est super rapide, et on a même un peu ralenti le tempo des originaux. Mais je me suis bien amusée. C’était un sacré challenge, et j’ai beaucoup appris de cet enregistrement. J’ai pu explorer une nouvelle facette de mon chant. C’est presque comparable à une comédie musicale, par moments…
Je suis fière du résultat final, mais je regrette qu’on ait très peu joué les morceaux en live : bien sûr, on en a joué à Tokyo, où ils ont été couronnés de succès ; en revanche, au Brésil, on n’a pas eu la même réaction du public… (Rires) Il faut dire qu’au Japon et certains pays en Europe, beaucoup de gens connaissent le manga. Mais au Brésil, ils n’ont pas reconnu les airs, et ils se demandaient ce qu’on était en train de jouer… (Rires) Du coup, on a préféré laisser tomber.
Mais il fallait voir les Japonais : ils étaient encore plus enthousiastes sur les « covers » que sur les chansons d’EPICA !
En 2019, vous avez également sorti votre biographie. Ça faisait quoi de te replonger dans les archives du groupe, reparler de certaines anecdotes et revoir d’anciennes photos ?
Certains d’entre nous se souvenaient de beaucoup plus de choses ! (Rires) Mark, par exemple, est vraiment fort pour se souvenir de chaque détail. Moi, je suis nulle pour me rappeler les salles dans lesquelles on a joué, ou comment étaient nos coulisses…
Avant tout, cela m’a fait me rendre compte du chemin parcouru et de nos réussites : je réalise que nous avons beaucoup de chance de toujours exister après autant de temps. Bien sûr, il y a eu quelques mauvaises passes, mais j’essaie de ne pas trop m’attarder là-dessus ! (Rires) Il y a eu plus de positif que de négatif. On peut vivre de notre musique, ce qui est rare dans notre milieu…
Je conserve mon exemplaire dans ma bibliothèque, et je le ressors de temps en temps quand je reçois des invités !

Transitus, par AYREON
Tu parlais plus tôt de comédie musicale : à ce propos, tu interprètes le rôle de l’Ange de la Mort dans le dernier AYREON, « Transitus » (2019). Qu’as-tu retiré de cette nouvelle participation, et quelle a été ta contribution ?
Je n’ai jamais à me préoccuper de quoique ce soit avec Arjen (Lucassen, ndlr). Il prépare toujours le terrain de A à Z, et il fait ça bien. Il est ouvert aux suggestions et à l’impro, mais comme je reçois les fichiers audio en amont, je peux m’entraîner à loisir afin d’être efficace en studio.
On a également enregistré deux clips, dont un à Amsterdam en compagnie de Tommy Karevik (KAMELOT, ndlr). J’étais devant un fond vert, et c’était très dur parce que je n’avais aucun élément pour me guider ou m’aider à jouer la comédie… Je devais deviner où regarder, imaginer où les éléments seraient placés en post-prod’… J’ai toujours admiré les acteurs qui travaillent devant des fonds verts : ils n’ont que leur imagination pour travailler !
Bien sûr, j’en ai déjà fait l’expérience avec les clips d’EPICA, comme celui de Never Enough. D’ailleurs, c’était un fond bleu, pas vert. (Rires) On doit toujours y jouer un peu la comédie ; on n’a pas le choix quand on fait partie d’un groupe et qu’on fait des vidéos. Mais… ce n’est pas mon métier ! (Rires)
Si le projet de film d’Arjen finit par aboutir, accepteras-tu de reprendre ton rôle ?
Je suppose, oui. Mais j’aimerais prendre quelques cours, avant ! (Rires) Chanter, ça va, mais la partie « jouer la comédie » est un tout autre domaine de compétence.

Photo en compagnie de Tommy Karevik publiée sur l’Instagram de Simone
Qu’est-ce que tu as le plus apprécié dans ce « Transitus » ?
J’aime beaucoup Seven Days, Seven Nights, qui aurait pu être une ballade si elle avait été plus longue.
Encore une fois, Arjen est parvenu à faire quelque chose de très réussi, avec d’excellentes chansons et de bons personnages. Et le fait que « Transitus » diffère un peu de ce dont il a l’habitude est intéressant.
À chaque invitation d’Arjen, je dis « oui » aveuglément. Je suis fan de sa musique, et c’est un honneur d’y contribuer. On passe un bon moment, et il est très professionnel !
Et c’était drôle de porter les ailes de l’Ange pour le tournage du clip : à chaque fois que je me tournais, je fouettais le visage de Tommy avec, parce que j’oubliais constamment que je les portais ! Elles faisaient presque deux mètres d’envergure. C’était un vrai costume en 3D… (Rires)
Puisque tu abordes le sujet des costumes : je me suis souvent demandée quelle ancienne tenue de scène tu avais conservée dans ta garde-robe, et laquelle tu porterais de nouveau si tu ne les renouvelais pas pour chaque tournée ?
J’aimais beaucoup ce que je portais lors de la tournée de « The Quantum Enigma » (2014) : un corset et une jupe avec des cuissardes et une petite veste en cuir assorties. C’était confortable, tout en restant sexy et classe ! En plus, je pouvais me mouvoir sans problème.
En ce qui concerne les tenues des débuts… Je ne sais pas trop… J’ai conservé la combinaison en dentelle que j’avais achetée d’occasion pour le photoshoot de « The Phantom Agony » (2003). Par la suite, je l’ai beaucoup portée sur scène. C’est fait de la même matière qu’un sous-vêtements : c’est très fragile, et j’ai souvent dû la repriser. Mais je ne sais pas si j’oserais porter à nouveau cette tenue… Je suis trop vieille, maintenant ! (Rires)
Penses-tu qu’EPICA se lancera dans les concerts en streaming, comme ça a été le cas en 2020 pour de nombreuses formations ?
C’est une possibilité. Avec un peu de chance, on va faire les festivals, mais je ne suis pas sûre qu’ils aient lieu… Je croise les doigts, vraiment !
On se penche sur les différentes options qui s’offrent à nous. « Omega » sort bientôt, et ce serait super d’être de retour sur scène. Au départ, on aurait dû partir en tournée en Mars, mais elle a été reportée à 2022… On a déjà commencé à répéter les nouveaux morceaux et à réfléchir aux setlists, au cas où. Mais j’imagine qu’on va devoir faire preuve de patience…
Je sais que beaucoup de groupes se sont mis au streaming, et je pense qu’on a beaucoup à apprendre d’eux ! (Rires)

Clap de fin à Paris en Octobre 2019 (photo : Emilie Garcin)
Selon toi, quels sont les morceaux qui doivent absolument apparaître dans vos setlists, après la sortie de huit albums ?
J’ai déjà eu ce que je voulais avec In All Conscience, qu’on a commencé à inclure dans la setlist il y a quelques temps !
De même, « Design Your Universe » (2009) est l’un de mes albums préférés : pour la tournée-anniversaire, on a rejoué Tides Of Time, un morceau que j’adore. Normalement, à chaque nouvelle tournée, on joue la ballade extraite du nouvel album. Tides Of Time était donc partie aux oubliettes… Mais là, on a pu reprendre tous les titres de « Design », et j’en étais ravie. Pour moi, cet album est génial !
Ceci étant dit, à chaque nouvelle sortie, il devient difficile de déterminer ce qui finira sur la setlist… Malheureusement, on ne peut pas faire de concerts qui durent quatre heures ! On doit trouver un équilibre entre les vieux classiques et les nouveaux morceaux. Mais c’est un vrai casse-tête. (Rires)
Il n’a pas été question de jouer pour la première fois White Waters, l’autre ballade de « Design Your Universe », avec toi qui reprendrais les parties originalement interprétées par Tony Kakko (SONATA ARCTICA) ?
On en a parlé, mais comme on jouait déjà Tides Of Time, on a préféré utiliser la version instrumentale de White Waters pour les saluts, à la fin des concerts, afin qu’elle fasse partie du set malgré tout.
L’année passée, Oliver et toi avez sorti quelques reprises sur Internet. Vous êtes-vous penché sur ton album solo, que tu as évoqué il y a plusieurs années de cela ?
C’est toujours en projet, mais son boulot en tant qu’enseignant lui prend énormément de temps, en plus des projets en cours avec d’autres artistes…
Je me vois tout à fait me lancer là dedans, mais il n’y a rien de concret pour le moment. Je suis moi-même très occupée avec la promotion de l’album, même sans les tournées. Je m’occupe aussi de mon business de photographe, mon blog… J’ai de quoi faire ! (Rires)
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Photos : Tim Tronckoe (hormis lorsque précisé)