Près d’un an s’est écoulé depuis l’annonce de la tournée exclusive célébrant les dix ans de l’album emblématique « Design Your Universe » (2009). La date unique en France, à l’Elysée Montmartre, salle bien souvent occupée par EPICA lors de leurs passages parisiens avant l’incendie, avait affiché complet en quelques jours. Nous savions tous que nous aurions droit à quelque chose de mémorable… En tout cas, les ballons d’anniversaire que les premiers rangs avaient apportés ont garanti une ambiance festive dès les premières secondes !
Le principe de fêter l’anniversaire d’un album implique évidemment que la setlist soit majoritairement composée de ses morceaux. Heureusement, les promesses sont tenues : ainsi, c’est « Design Your Universe » dans sa quasi-intégralité qui est joué, à commencer par la sublime introduction Samadhi, l’une des meilleures jamais composées par le groupe. On enchaîne avec Resign To Surrender, dont l’efficacité n’a pas pris une seule ride (on se demande d’ailleurs pourquoi EPICA a tendance à bannir ses pistes n°2 quand les tournées sont terminées – le même sort a été réservé à des titres très méritants comme The Second Stone, Dance Of Fate ou Monopoly On Truth… Toutes des pistes 2 !).

Simone Simons
Bien sûr, les bien plus fréquents Unleashed et Martyr of the Free Word ne peuvent pas être évités. En revanche, on était heureux de se voir garantir au préalable le monumental Kingdom Of Heaven, considéré par beaucoup comme la compo’ ultime d’EPICA – et le titre préféré de Mark Jansen lui-même. Le groupe se voit alors plongé dans une lumière rouge diabolique du début jusqu’à la fin. En parlant des lumières, on nous avait habitué à bien mieux ces dernières années, mais il faut croire qu’ils misent sur la sobriété pour cette petite tournée…
Le morceau éponyme chéri des fans clôt le set spécial avant le rappel, et même si nous n’avons jamais douté de ses qualités, il est bon de se rappeler les émotions procurées par ses belles mélodies et son message si parlant.
Alors oui, tout cela est bien. Mais qu’en est-il des morceaux de « Design » boudés en live depuis leur sortie ? Le manque de prises de risque auquel le groupe nous a hélas habitués peut nous faire douter quant à l’ajout de ces titres de qualité… Il faut croire que nous avions tort, puisqu’ils font leur grand retour pour ce dixième anniversaire : Burn To A Cinder, précédé de son intro Price Of Freedom qui fait monter la pression peu à peu, nous rappelle son potentiel avec son refrain poignant et de ses couplets plus sombres. Dommage que l’Elysée Montmartre proscrive (à juste titre) les flammes, car elles auraient été plus que justifiées sur les chœurs affolés.
En passant, les jets de fumée remplaçant les flammes manquent parfois de pertinence et ont la particularité de faire un bruit assourdissant lorsqu’ils sont actionnés, gâchant même certains passages… En termes de décors, en revanche, on reste dans la sobriété, avec, tout de même, deux jolis cercles mobiles de part et d’autre de la scène éclairées par des lumières discrètes. Enfin, faute de flammes, quelques étincelles bienvenues alimentent le visuel vers la fin du show. Fait à noter : la batterie a été installée en hauteur, nous permettant de mieux profiter du jeu monstrueux d’Ariën van Weesenbeek. On n’échappe pas à un solo énervé du batteur en cours de route…

Coen Janssen et Isaac Delahaye
Our Destiny faisait également partie des titres qu’on attendait avec impatience, tant sa construction et ses nuances donnent de la matière pour nos oreilles, entre ses effets d’attente, son refrain plein d’espoir, ses chœurs tantôt vindicatifs, tantôt célestes, et ses passages instrumentaux où la mélancolie et le chaos sont les maîtres mots.
Nous avons le bonheur de réentendre la plus belle ballade du groupe, à savoir Tides Of Time, où Simone brille vocalement. D’ailleurs, la chanteuse est plus gracieuse et souriante que jamais ce soir, et n’omet pas de nous adresser, comme à son habitude, quelques mots dans un français parfait (« je vous aime » ou encore « voulez-vous chanter avec moi ? »). On note comme toujours sa complicité avec les autres membres, et Isaac ira même jusqu’à la bousculer gentiment des fesses…
Nous sommes agréablement pris au dépourvu avec un hybride de Deconstruct et Semblance Of Liberty : EPICA n’a pas coutume de nous offrir ce genre de fantaisie, et c’est pourquoi on les acclame d’autant plus pour ce cadeau.
Seul regret au sujet de cette setlist anniversaire : d’éluder une fois de plus la belle White Waters. Certes, sur CD, la chanson est majoritairement interprétée par Tony Kakko (SONATA ARCTICA), mais s’il y a bien une chose qu’EPICA a prouvé ces dernières années, c’est leur capacité à adapter et réinterpréter leurs propres titres, transformant avec facilité leurs morceaux les plus violents en petites chansonnettes au coin du feu. Alors, pourquoi ne pas avoir arrangé les lignes de chant masculines pour qu’elles conviennent à celle de Simone Simons, et jouer pour la toute première fois cette compo’ bien injustement délaissée ? Nous ne saurions le dire. Dommage, car avec cette exclusivité, le show se serait dangereusement rapproché de la perfection. En guise de consolation, on l’a reconnue dans sa version instrumentale au moment des saluts… Preuve qu’elle n’est pas complètement reniée par le groupe !

Après ce throwback bien gratifiant, nul doute que les fans s’attendaient également à ce que les autres albums soient représentés. Après tout, les concerts d’EPICA à Paris sont reçus avec un enthousiasme légendaire, anniversaire ou pas (les Français iront même jusqu’à chanter un « Happy birthday » dissonant mais chaleureusement accueilli !).
Pour chaque date composant cette tournée spéciale, la formation se permet de changer un morceau dans leur setlist. En Allemagne, c’est Quietus qui a été choisie. Aux Pays-Bas, Sensorium. Rien de bien original, donc, même si Quietus nous aurait clairement fait l’effet d’une madeleine de Proust, tant ce « single » a finalement été assez peu joué ces dernières années. On ne peut pas en dire autant du titre extrait de « The Phantom Agony » (2003), qui gagnerait à se faire plus rare, quand bien même il reste culte pour certains.
En France, c’est The Last Crusade qui est joué, en hommage à l’ancien fanclub officiel français The French Crusade. L’hymne joliment fédératrice parvient à réjouir la foule de français que nous sommes et à toucher les quelques rares ex-membres du fanclub présents dans la salle, qui se manifestent à la demande de notre chanteuse.

Entre deux morceaux, Simone revient de coulisses en brandissant deux grands drapeaux : un représentant leur logo, l’autre, le drapeau français ! D’ailleurs, chaque pays où la tournée passe y a droit, preuve que le groupe souhaite accentuer le côté exclusif de ces concerts.
On a enfin le plaisir de découvrir In All Conscience, bonustrack de « The Quantum Enigma » (2014) encore jamais interprété sur scène avant cette année, et qui offre des parties bien lourdes et de sublimes chœurs classiques.
Malgré ces petites surprises, il fallait bien que soient inclus des titres surexploités en live… Comme c’est le cas depuis le début de la tournée de « The Holographic Principle » (2016), le rappel est introduit par un petit speech tout en légèreté de Coen Janssen et Isaac Delahaye, qui s’amusent à nous faire crier le mot « vin » en français avant d’enchaîner sur Sancta Terra. Le claviériste admet avec humour « qu’ils vont maintenant faire des morceaux qu’ils savent jouer », preuve qu’ils n’ont pas pour habitude de s’éloigner de leur setlist habituelle !
S’ensuivent donc le très sautillant Beyond The Matrix et, vous aurez deviné… Cry For The Moon (le site setlist.fm nous indique que ce dernier a été joué 955 fois depuis 2002). Allez, on veut bien pardonner le groupe, dans la mesure où ils n’ont plus tourné depuis quelques mois et qu’avant cela, leur dernier concert à Paris remontait à début 2017. Si cela ne nous empêche pas de ressentir un peu de frustration, dans la mesure où la discographie regorge de titres excellents largement taillés pour le live et bien moins joués que ces trois là, il fallait être bien capricieux et exigeant pour se plaindre après une telle setlist ! Entre temps, Coen, rendu très mobile depuis quelques années grâce à son « curveboard », n’hésite pas à descendre dans le pit photo et à slammer sur les premiers rangs.

Le titre qui achève chaque concert ou presque depuis 14 ans, à savoir, Consign To Oblivion, donne l’occasion au groupe de réclamer un impressionnant « wall of death » qui scinde toute la longueur de l’Elysée Montmartre, avant de terminer en beauté, comme toujours.
Ainsi, le fait de revenir sur « Design Your Universe », album chouchou des fans, mais aussi des adeptes du style en général, a été ressenti comme une bouffée d’air frais, comme si ses compos’ ne pouvaient pas engendrer autre chose que le triomphe et l’approbation de tous. Il est clair que sa qualité unique se voit définitivement confirmée au moyen de cette tournée dont on n’osait rêver…


Clap de fin !
SETLIST
Samadhi
Resign to Surrender
Unleashed
Martyr of the Free Word
Our Destiny
Kingdom of Heaven
The Last Crusade
In All Conscience
The Price of Freedom
Burn to a Cinder
Tides of Time
Deconstruct / Semblance of Liberty
Cry for the Moon
Design Your Universe
RAPPEL
Sancta Terra
Beyond the Matrix
Consign to Oblivion
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Photos : Emilie Garcin – www.emiliegarcin.com
Photos Metal France : Clément.