Belle affiche pour le quinzième anniversaire du Cernunnos Pagan Fest
Qui dit "festival" ne dit pas nécessairement "estival" ! Cela pourrait être l'adage du Cernunnos Pagan Fest, qui, chaque année, égaye l'hiver des Franciliens avec une myriade de formations "métalliques" toutes plus fascinantes les unes que les autres. Dès son lancement en 2007, il accueille des groupes inspirés de la culture pagan folk, qu'ils soient émergents ou "gros porteurs", comme Arkona, Trollfest, Moonsorrow, Turisas, Eluveitie, Primordial… En 2025, l'événement, qui se déroule désormais à la Ferme du Buisson de Noisiel (77) depuis 2017, fête ses quinze ans. Et affiche complet pour la première fois de son histoire.
Retour au Moyen-Âge entre deux Concerts de Metal
Fait notable qui rend le Cernunnos plutôt unique en son genre : sa fameuse fête médiévale, qui se déroule en même temps que les concerts. Gratuite et libre d'accès, elle est animée par de nombreux exposants, spectacles et ateliers (forge, calligraphie, tir à l'arc, coiffure, maquillage…) et a le mérite d'attirer divers types de populations. Tout d'abord, les familles locales cherchant à passer un bon moment à la fête médiévale. Ensuite, les férus de manifestations médiévales venus arborer leurs plus beaux costumes et apparats. Enfin, les métalleux qui se sont déplacés des quatre coins de la France, voire d'autres pays pour assister aux concerts de groupes internationaux. Bien sûr, ces trois catégories ne sont pas aussi strictement séparées. Certains visiteurs cochent d'ailleurs toutes les cases : on a aperçu pas mal de parents métalleux costumés et accompagnés de leurs enfants dans les salles. L'un n'empêche pas l'autre, et cela fait plaisir à voir !
Un détail, toutefois : bien qu'on ait eu de la chance côté météo (un peu de pluie le samedi, et des températures plus que clémentes sur l'ensemble du week-end compte tenu de la saison), nous remarquons qu'aucun endroit ne nous permet de nous asseoir au chaud. Certes, il y a bien le Caravansérail, grange où se trouvent quelques ateliers et où exposent les créateurs de vêtements, de livres, de bijoux et d'illustrations. Mais il est impossible de s'y installer vraiment. Quant au food corner, il se trouve à l'air libre. Un festival et une fête médiévale qui ont lieu en février et en extérieur (majoritairement) se doivent de proposer des endroits au chaud, au moins pour se restaurer, même si on comprend que les organisateurs dépendent de l'infrastructure (par ailleurs pittoresque).
Un Line up Digne de ce Nom pour les 15 ans du Cernunnos Pagan Fest
Lors de ce doux week-end de Février, les festivaliers occupent deux lieux : l'Abreuvoir, qui peut accueillir 400 fidèles, et la Halle, salle plus vaste pouvant contenir près de 800 personnes. Le Running Order ne superposant aucun concert, les spectateurs ont la possibilité, s'ils le souhaitent, de n'en manquer aucun. Ainsi, cinq minutes de délai entre chaque performance laissent tout juste le temps à la foule de passer de l'une à l'autre. Seul problème : l'effet entonnoir entre les gens sortant d'une salle pour se rendre à l'autre, et ceux ayant fait la queue dehors. Car non, il n'était pas possible de rester à l'intérieur des salles pendant les soundchecks. On n'a pas su s'il s'agissait d'une décision des organisateurs ou bien un souhait émis par certains groupes. Il n'en est pas moins que ce fut le rare gros point noir du week-end. On espère qu'une amélioration sera apportée en 2026, d'autant plus avec l'affluence cette année.


Si, dans l'imaginaire collectif, le pagan folk est indissociable de la Scandinavie, le Cernunnos nous prouve le contraire, avec de nombreux pays du continent européen représentés - de quoi faire rougir l'Eurovision ! C'est en effet pas moins de onze pays qui se voient réunis cette année, du Portugal à la Russie en passant par les Pays-Bas, l'Arménie et la Suisse. La France, quant à elle, est largement représentée, et ses groupes, aussi marquants que variés.
À commencer par le trio de moines d'Originem, heureux gagnants du Tremplin organisé par le festival, et qui ouvrent le bal le samedi. Contrairement au premier titre joué, plutôt austère et lourd, le reste du set sera plus punchy. Surtout, les prises de parole légères du chanteur et guitariste, clairement originaire du sud de la France, captivent l'audience tout du long. Une belle entrée en matière, tandis qu'ils nous quittent sur une référence à "Overkill" (Motörhead). Le concert suivant est également donné par des Français avec Sarmates (photo ci-dessous). Changement d'ambiance total et premier concert dans la grande salle où on a le loisir d'apprécier la performance du chanteur, qui alterne entre chant clair puissant et vocalises graves mongoles. D'ailleurs, les sonorités asiatiques, accrocheuses sur CD, sont mises en valeur ici et là. Ils accueillent la chanteuse Araxia sur leur titre "Wherever You Are", qui n'est pas sans rappeler le style des Anglais de Paradise Lost.

Et que dire de Det Var (photo ci-dessous) qui, avec leurs divers instruments traditionnels et leurs six voix harmonisées, semblent incarner à eux seuls l'esprit du Cernunnos. Il s'agit là du moment le plus immersif de cette édition. À voir l'air ravi sur le visage des Franciliens, on comprend que le plaisir était réciproque. Nous avons même droit à un nouveau morceau encore jamais joué. Une performance remarquable !
Si on considère l'immense file d'attente pour le Naheulband, on pense deviner pourquoi les Pass 1 jour du dimanche se sont écoulés plus vite que le samedi… L'intégralité des festivaliers semble attendre de pied ferme les histoires du Donjon de Naheulbeuk reprises en chanson. Force est de constater que nous sommes nombreuses et nombreux à avoir été "bercés" par Naheulbeuk pendant notre adolescence. En dépit d'une scénographie inexistante et de l'absence de réelle théâtralité qui aurait été bien à propos, le Naheulband parvient à agiter la foule qui hurle gaiement les paroles. On ne peut nier qu'on passe un bon moment. Dans la même veine, les Compagnons du Gras Jambon feront aussi honneur à notre pays, bien que leur performance paraisse nettement plus travaillée. La chanson de la "Galette", rare morceau en français de leur répertoire, finit de défouler le public.
Nous aurons droit à d'autres instants festifs, notamment avec les Portugais de Gwydion, qui occupent bien la scène et sollicitent souvent le public, ou encore Mourning Wood, dont c'est le premier concert en France. On déplore quelque peu l'emploi dispensable de nombreux déguisements décalés sur scène (lunettes LED, chapeaux de cowboy et autres colliers à fleurs) qui ont tendance à éclipser l'epic pagan metal digne d'intérêt des Néerlandais. Mais l'enthousiasme qu'ils communiquent fait néanmoins plaisir à voir et on ne parvient pas à leur en tirer rigueur !

Il s'agit également du premier concert en France pour Ildaruni, tous venus d'Arménie pour nous présenter leur intense black metal. Tous ? Non ! Le chanteur et bassiste a malheureusement été dans l'incapacité de voyager, comme nous l'explique (en français !) le vocaliste présent devant nous. Après recherche, nous apprenons que ce remplacement au pied levé est assuré par "Whirlwind", chanteur et guitariste du groupe de black metal atmosphérique Xathrites. À l'aide des paroles imprimées en police 14 ou 16 au pied du micro, ce dernier s'en sort étonnamment bien. Il termine le show avec une invitation à se rendre au merch d'Ildaruni : "Si vous avez aimé le concert, n'hésitez pas à aller acheter quelque chose au merch pour les soutenir. Ils viennent d'Arménie et ils en ont besoin. Si vous avez détesté le concert, n'hésitez pas à aller acheter quelque chose au merch pour l'offrir à quelqu'un que vous détestez"… Un passage au Cernunnos pour le moins mémorable et réussi !
D'autres groupes extrêmes marqueront cette édition, à l'instar de Kvaen, résolument black metal, et Deos, qui qualifient leur musique de "Roman Metal". En effet, la formation originaire d'Annecy arrive sur scène en arborant la tenue traditionnelle du soldat romain - et l'attitude guerrière et vindicative qui va avec ! On revisite aussi l'Histoire avec Morgarten, qui n'omet pas de conter des légendes suisses après chaque morceau. Quant à Vermilia, qui revient dans notre pays "après 5 ans d'absence", on apprécie la touche plus onirique ainsi que l'emploi de plusieurs instruments traditionnels, malgré un léger manque de nuances dans les compos' et les grunts. Mais on ne peut que s'incliner face à la maîtrise du chant guttural et du chant clair de l'interprète. Cette dernière exprimera d'ailleurs sa joie d'être présente en ce jour.
Un mot, enfin, sur les têtes d'affiche, avec, le samedi, Arkona qui restent fidèles à eux-mêmes face à une Halle pleine à craquer, et Thyrfing qui mettent à l'honneur toute leur discographie. Les différents logos du groupe défilent d'ailleurs sur grand écran, pour le plus grand contentement des fans de longue date. Moonsorrow clôt cette édition spéciale "quinzième anniversaire" de leur black metal mélancolique. Ils finissent leur set sur "Ihmisen aika (Kumarrus pimeyteen)", long de plus de quinze minutes, où l'on apprécie les moments planants des samples.
___________________
Merci à Marie, Chloé et toute l'organisation du Cernunnos !