C’est au tour de WITHIN TEMPTATION de se lancer dans le concert virtuel, après tant d’autres artistes du même acabit. À cette occasion, la formation de Sharon den Adel décide de nous en mettre plein les yeux à grands renforts de fonds verts et d’effets spéciaux. Mais à trop vouloir éblouir, on s’y brûle la cornée ! Et ce n’est certainement pas l’avertissement à l’attention des épileptiques diffusé au début qui nous rassure de ce côté-là…
L’introduction présage pourtant d’une expérience intéressante : une cinématique en 3D dépeignant une ville détruite et baignée d’une lumière bleutée se révèle à nous, tandis qu’un visage de cyborg énonce l’histoire sur fond d’orchestrations sombres et mystérieuses – il reviendra par la suite pour présenter les différentes parties de la setlist, mais sans établir de scénario précis.
Le concert démarre avec Forsaken, choix d’ouverture plutôt audacieux et dont les accents dramatiques conviennent finalement à l’univers futuriste et dévasté. On découvre alors un espace « scénique » excessivement grand, certes bien conçu, mais qui minimise la performance du groupe cadré de beaucoup trop loin et noyé sous une pluie de faisceaux lumineux. Au bout d’une quinzaine de minutes, il nous est même nécessaire de nous reposer les yeux quelques instants face à cette surenchère de flashs ! Le son est néanmoins excellent, et la très jolie voix de Sharon den Adel ne semble pas avoir été affectée par ces longs mois de pause.
Par la suite, on constate que les morceaux s’accordent de près ou de loin à cette thématique plutôt austère, et c’est ainsi que des titres tels que Faster ou Sinéad se voient écartés, et l’album « Mother Earth » (2000), complètement éludé. Un univers bien à propos, en revanche, pour les compos’ que sont The Reckoning ou Supernova, dont les sonorités électro font écho aux paysages futuristes et dystopiques.
Priorité, donc, au dernier album en date « Resist » (2019), mais aussi aux trois nouveaux singles sortis cette année. Si cette setlist a le mérite de ne pas être entièrement attendue, on se rend compte que les derniers nés, et surtout The Purge et Shed My Skin, manquent cruellement de poids comparés à des Our Solemn Hour, And We Run ou Raise Your Banner qui ont déjà démontré leurs qualités lors des tournées.
De surcroît, la présence des Allemands de ANNISOKAY sur Shed My Skin, intégrés maladroitement sur fond vert, n’apporte pas grand chose, et le fait que les différents musiciens aient été filmés séparément prive la performance d’un dynamisme qui lui aurait été salutaire (voir la vidéo ci-dessous). C’est à se demander si le suremploi des plans d’ensemble n’est pas une manière de cacher la misère ! Au passage, on regrette que les costumes et coiffes élaborés de Sharon soient trop peu mis en valeur.
ANNISOKAY en action. Cachez-moi ces contours que je ne saurais voir…!
Même déception concernant Tarja Turunen, dont la participation sur Paradise avait été annoncée en amont et promettait de réjouir les fans. Pire : les plans consacrés à la chanteuse sont isolés, loin des autres musiciens, ou bien projetés sur de faux écrans géants derrière la scène, absolument superflus pour un concert en ligne… À l’heure où les fans souhaitent plus que tout retrouver la puissance et l’authenticité des vrais concerts, cette overdose de virtuel finit de nous en éloigner. Quant au rappeur Xzibit sur And We Run, nous n’avons droit qu’à la retransmission du clip… sur écran géant.
Heureusement, WITHIN TEMPTATION se rattrape sur le planant Firelight, où l’arrivée de l’excellent Jasper Steverlinck se produit dans un environnement plus onirique et accueillant. Cette fois, les deux chanteurs ont été filmés conjointement, entraînant ainsi de nombreuses interactions et une performance résolument plus chaleureuse. Dommage que Ruud (guitare), Martijn (claviers), Mike (batterie) et Stefan (guitare), quasi fantomatiques dans tout ce fatras, aient été filmés séparément pour la majeure partie du concert : ils restent en effet rivés sur leurs instruments tout du long et n’ont guère l’air de se sentir concernés par ce qui se passe autour – à juste titre.
« The Aftermath » s’achève sur Stairway To The Skies, après une heure de show seulement (c’est que ça coûte cher, toutes ces images en 3D !) : l’occasion pour Sharon de s’adresser pour la seule et unique fois aux spectateurs, mais de manière si brève et si fade qu’on s’en serait finalement passés. Le concept de « The Aftermath », lui, reste sans conclusion, et demeure difficile à saisir.
Où est Charl… Tarja ?
Le passé l’a démontré : WITHIN TEMPTATION a souvent tendance à en faire trop, pensant qu’il s’agit du moyen ultime de contenter ses fans. Il n’y a qu’à voir leur concert-anniversaire « Elements », en 2012, qui négligeait l’hommage à leur propre carrière en faveur du grand spectacle, l’accumulation de guests sur « Hydra » (2014) ou encore le concept de « The Unforgiving » (2011) inutilement étendu sur plusieurs formats (films, comics…).
Là où certains groupes sont parvenus à exhausser leur musique et leur talent scénique en dépit de la situation actuelle (EPICA, AVATAR, LEPROUS, pour ne citer qu’eux, et même Devin Townsend avec ses décors décalés mais divertissants), les Néerlandais nous ancrent définitivement dans ce quotidien dépourvu de spectacle vivant en nous bombardant d’écrans et d’effets superficiels, et oublient de nous faire bénéficier des qualités d’un vrai concert.
Certes, WITHIN TEMPTATION a le courage d’apporter sa pierre à l’édifice des « livestreams » et, par la même, fait patienter les fans en attendant le retour des tournées, mais si ces mêmes fans avaient eu leur mot à dire, il y a fort à parier qu’ils auraient préféré reconnecter avec le groupe de façon plus authentique et dépouillée.
SETLIST
Forsaken
Our Solemn Hour
Paradise (What About Us?)
The Purge
Entertain You
Raise Your Banner
And We Run
Shed My Skin
Firelight
The Reckoning
Supernova
Stairway to the Skies