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Ces derniers temps, les fans de LEPROUS se sont multipliés comme des petits pains dans la main de Jésus (et vraiment, la comparaison avec Dieu n’est pas exagérée). La patte absolument unique du groupe impose le respect à un plus grand nombre de fidèles, tout comme leur volonté de s’affranchir des codes et des genres. Et on ne va pas se le cacher : il était grand temps que le monde sorte de son obscurantisme et découvre enfin l’un des groupes les plus fascinants de notre temps !
Même si chaque album possède ses forces et ses caractéristiques propres, une évolution musicale se fait plus nette depuis « The Congregation » (2015), où les ingrédients metal cessent bien souvent d’être au centre des compos’. En 2017, « Malina » confirme cette direction au moyen d’expérimentations déstabilisantes et de nappes de synthés exhaussant un talent musical toujours évident. Pour ce qui est de leur capacité à toucher l’auditeur en plein cœur, elle demeure quant à elle intacte.
Comme nous le confiait Einar Solberg plus tôt cette année, lors de notre tête à tête au Heart Sound Festival, « ceux qui n’ont pas aimé « Malina » vont détester le nouvel album »… Alors, oui, certes ! Mais cela veut aussi dire que nous, qui avions tant accroché à « Malina », serions d’autant plus conquis à l’écoute de « Pitfalls ». Et même si on savait pertinemment que LEPROUS nous surprendrait toujours, il était impossible de s’imaginer quoique ce soit, d’autant que détrôner « Malina » semblait relever de l’exploit…
Premier titre à avoir été dévoilé, Below ouvre sur un effet d’attente sourd tandis que la voix douce démarre, avant une explosion dramatique sur le refrain et des violons entêtants qui viennent transcender le titre. Sur le deuxième couplet, la rythmique et les guitares procurent un aspect joliment « groovy ».
D’ailleurs, ce « groove » distingue assez « Pitfalls » de ses prédécesseurs : By My Throne surprend dès la première écoute avec sa batterie à la limite du disco et la technique vocale résolument « soul » exploitée à merveille par Einar.
At The Bottom contient des sons tout droit sortis des années 1980, un peu à l’image de ce qu’ULVER a pu composer ces dernières années. Par ailleurs, ce morceau s’avère être l’un des plus riches et nuancés, avec son refrain poignant et sa montée en puissance instrumentale magnifiée par le violoncelle de Raphael Weinroth-Browne : pour sa part, le musicien se voit bien mieux mis en valeur que sur l’album précédent.
Sans pour autant compter parmi les titres les plus mémorables de « Pitfalls », Alleviate a le mérite de proposer une mélodie positive, des roulements de caisse claire incongrus et une performance vocale toujours réjouissante. Encore une fois, le groupe manipule chaque ingrédient avec précision, et démontre que le mariage des instruments bruts et du synthétique procure aux morceaux une dimension encore supérieure.
A de nombreuses reprises, LEPROUS exploite tout le minimalisme dont ils sont capables, sans tomber dans la facilité ou la pauvreté musicale : I Lose Hope se distingue par des parties légères qui mettent en valeur de façon simple chaque instrument ainsi que d’incroyables crescendos. C’est la même approche sur le superbe Distant Bells, où le piano et la voix, précédés d’un bruit d’horloge, déploient un effet de mystère, avant de s’emballer peu à peu et d’exposer une mélodie entêtante et passionnée. Ici et ailleurs, on sent l’inspiration subtile – mais évidente, des musiques de films.
L’apaisant Observe the Train, qui peut rappeler le côté enchanteur de nos Islandais d’AGENT FRESCO par moments, fait de la voix son narrateur, tandis que les claviers restent discrets, et que Baard Kolstad joue avec sa caisse claire pour reproduire un battement de cœur. On apprécie également les voix qui se répondent, comme pour faire intervenir plusieurs protagonistes secondaires.
Finalement, les deux derniers morceaux de « Pitfalls » sont les seuls à vraiment s’apparenter à du metal. Comparable à un bon titre de MUSE, l’énergique Foreigner est sans conteste celui qui accroche le plus dès la première écoute, et où la mélodie et les paroles se retiennent facilement.
En ce qui concerne The Sky Is Red, titre long de 11 minutes, on vous conseille de vous préparer à du très lourd : son développement expose différentes parties qui se succèdent avec génie. L’étonnante exploitation des chœurs mêlés aux passages chaotiques évoque une lutte interne sans merci, et les multiples nuances dans la voix manifestent à la fois le désespoir et la force de vaincre. A mi-parcours, le solo à cordes, presque glauque, introduit une longue partie instrumentale pour terminer l’album sur une apothéose et un lâcher prise féroce…!
S’il y a donc une chose à retenir, c’est que « Pitfalls » affirme le style « LEPROUS » mieux que jamais. Tout y est plus abouti et assumé, et le côté tragique qui ressortait parfois de « Malina » laisse place à une combativité passionnée, bien plus belle à savourer.
De bout en bout, l’emploi des sonorités électro ne surcharge jamais les compos’. On n’oublie pas de mentionner une prod’ imperfectible, une batterie plus organique et encore plus technique qui ne fait jamais l’erreur de tomber dans la démonstration, une mise en avant des guitares et, alors qu’on pensait cela impossible, une voix encore plus variée et maîtrisée qu’avant. Le plaisir qu’on a à parcourir ce « Pitfalls » est indescriptible et se transformera vite en addiction !
Einar Solberg, dans le clip de Below