Dix mois après leur passage acclamé en première partie de Devin Townsend dans le cadre de sa tournée européenne, les virtuoses de LEPROUS nous font l’honneur de revenir dans le Sud en tête d’affiche, accompagnés de trois groupes à la technique et à l’audace non moins remarquables. Un lineup comme on en voit peu et qui garantit un bel avenir au rock / metal progressif.
Astrosaur
Le trio formé par ASTROSAUR investit les lieux et s’en ira comme il est arrivé : sans un mot. En effet, la musique du groupe ne comporte pas de chant, rendant ainsi l’expérience live plus difficile à aborder. Heureusement, les longues compos, aussi variées que techniques, contiennent quelques beaux crescendos, et les musiciens parviennent à occuper le petit espace scénique avec énergie. Au final, le set tout-instrumental des Norvégiens a le mérite de constituer une entrée en matière digne de ce nom pour l’affiche.
Trois personnes quittent la scène ; sept autres débarquent ! ALITHIA aura été la belle surprise de la soirée, avec des musiciens enthousiastes qui possèdent plusieurs cordes à leurs arcs et qui changent même de rôle pendant le concert. Pour cette tournée, le chanteur et leader, alors en convalescence, se voit remplacé par Marjana Semkina, interprète de IAMTHEMORNING. La jeune femme semble en effet dans son élément et offre une prestation vocale aussi intense qu’adéquate. Mais c’est bien Jeffrey Ortiz Raul Castro qui attirera nos yeux curieux : le claviériste, comme possédé, se défoule tour à tour sur ses claviers, ses percussions, son micro ou encore… son güiro ! Le tout en multipliant les interactions avec le public, vite séduit par les compos’ fascinantes du combo. Un sans-fautes pour la formation australienne !
Alithia
L’heure arrive enfin pour la fan que je suis d’encourager l’un de mes groupes favoris, découvert pendant leur tournée il y a un an pile en compagnie de KATATONIA…
Une fois de plus, l’irrésistible Arnór Dan, armé de son micro à fil blanc, se donne corps et âme à son art, et s’exclamera « Vous êtes chauds ! » à plusieurs reprises. On regrette que sa voix soit par moments inaudible (peut-être dû à des problèmes de réglage) mais ses prouesses vocales, parfois a capella, sont toujours bien remarquables. AGENT FRESCO gagne l’audience de ses mélodies émouvantes et de ses contrastes musicaux, entre violence inopinée (« Angst ») et modernité minimaliste (« Autumn Red »), et que l’on doit en grande partie à Hrafnkell Örn Guðjónsson, batteur à la technique imparable.
Agent Fresco
Le groupe nous propose ce soir un nouveau titre issu du prochain album, et qui laisse d’ores et déjà présager un successeur digne de « Destrier » (2015). Avant Eyes Of A Cloud Catcher, Arnór nous explique que le morceau, dédié à son père décédé, ne fait pas l’apogée des regrets et du deuil mais honore au contraire ce qui a été et ce qui est. Il en profite pour présenter au public Nicolai Mogensen, bassiste de VOLA remplaçant Vignir Rafn Hilmarsson sur la tournée : tout comme le guitariste Þórarinn Guðnason ou le chanteur lui-même, Nicolai participera également en tant que claviériste.
Durant le morceau final, Arnór a coutume de descendre dans la foule, interagissant avec elle et serrant les mains sur son passage. Après avoir exécuté une petite danse avec votre fidèle envoyée spéciale (!), le grand Islandais escaladera même la sono pour saluer le balcon.
Agent Fresco
Une ovation sera adressée à AGENT FRESCO à la fin de leur set, prouvant que la formation continue de conquérir des cœurs d’année en année.
Les roadies s’affairent pour préparer la scène en faveur de LEPROUS (dévoilant notamment deux écrans de part et d’autre de la scène) et sans signal préalable, le violoncelliste Raphael Weinroth-Browne, guest sur toute la tournée mais aussi sur le dernier album, commence à jouer, alors immergé dans une pluie de lumière bleutée. Il impose peu à peu le silence dans la salle intriguée, tandis que les membres entrent discrètement en scène.
Leprous
Le son, de très bonne qualité, nous permet de distinguer chaque note de clavier d’Einar Solberg : il faut dire que le nouvel album exploite les synthés plus que jamais, et ce n’est pas Bonneville, le titre d’ouverture, qui démentira ce fait. Dans cet opus, nous sommes également frappés par des structures déstabilisantes de batterie interprétées par le prodige Baard Kolstad, véritable machine capable de tout jouer ! LEPROUS (parés de leurs plus beaux atours) gratifie les spectateurs d’une setlist différente chaque soir. Ce sont sept titres extraits de « Malina » (2017) qui seront joués à Marseille, parmi lesquels les excellents The Weight Of Disaster et Mirage, deux des nombreuses bombes de l’album, ou encore les très accrocheurs Stuck et From The Flame, parfaits pour encourager le public à s’agiter un peu (les Marseillais se montreront en effet plus calmes qu’à l’accoutumée, hormis quelques groupes de personnes localisés ici et là).
Le violoncelle de Raphael prend toute son ampleur à la fin de Stuck, accompagné du chant hautement passionné de notre leader, ou encore sur Malina-titre : si la première partie a tendance à crever le cœur de tristesse, la seconde, bien plus chaotique, gagne en intérêt en live, tout comme Illuminate, dont la puissance est ici décuplée.
Les claviers, bien qu’ils nous donnent l’opportunité de profiter du regard perçant d’Einar, limitent le périmètre d’action de ce dernier. Mais quand il a l’occasion de les délaisser, le chanteur s’empare de la scène en tant que leader et prend plaisir à s’agiter furieusement aux côtés des autres musiciens !
Bien qu’une musique d’une telle finesse n’en ait guère besoin, un soupçon de communication aurait été bienvenu de la part du groupe. Mais cette absence d’interaction permet toutefois une immersion totale, n’altérant donc nullement la qualité de la performance.
Leprous
Si, malheureusement, les deux premiers albums « Tall Poppy Syndrome » (2009) et « Bilateral » (2011) ne seront pas représentés ce soir, la part belle est faite à « The Congregation » (2015), avec notamment The Flood, qui, tout en nuance, captive les spectateurs, et a la particularité de nous faire entendre de belles vocalises interprétées par Einar, Tor Oddmund Suhrke, Øystein Landsverk (guitares) et Simen Daniel Børven (basse). Ces harmonies nous transcenderont également sur Down.
Nous aurons également la chance de bénéficier des excellents The Valley et Salt, deux morceaux issus de « Coal » (2013) – et pas des moindres.
Comme si le groupe avait décidé d(e m’)offrir le meilleur pour la fin, c’est l’enivrante Rewind (cette fois dans sa version intégrale !) qui met un point d’honneur au spectacle, dans l’aliénation la plus totale.
Le show, qui proposait une setlist particulièrement bien composée (sans doute la meilleure de la tournée), aura à la fois convaincu les quelques sceptiques et rendu les grands adeptes des Norvégiens d’autant plus épris de leur son !
Leprous
SETLIST
Bonneville (« Malina », 2017)
Stuck (« Malina », 2017)
The Flood (« The Congregation », 2015)
Down (« The Congregation », 2015)
The Weight Of Disaster (« Malina », 2017)
The Valley (« Coal », 2013)
From The Flame (« Malina », 2017)
The Price (« The Congregation », 2015)
Malina (« Malina », 2017)
Salt (« Coal », 2013)
RAPPEL
Mirage (« Malina », 2017)
Rewind (« The Congregation », 2015)
Photos : Emilie Garcin