Nightmare : entretien avec l'un des vétérans du heavy metal mélodique pour la sortie d'Encrypted
Ces dix dernières années, Nightmare a dû prouver plus que jamais leur capacité à survivre et braver les obstacles. Heureusement, la qualité de leurs enregistrements et leur persistance justifient largement leur place dans le paysage du heavy metal mélodique francophone. Tandis que l'album Encrypted sortira le 7 juin prochain, nous avons parlé à Matt Asselberghs (guitare), Yves Campion (basse) et Barbara Mogore (chant) pour évoquer entre autres le nouveau lineup suite au départ controversé de Madie en 2022, les récents clips ou encore le concert-anniversaire qui aura lieu le 18 octobre à Grenoble avec l'ancien lineup. On vous propose de découvrir tout ça dès à présent !
Par rapport à l’enregistrement d’Aeternam (2020), comment se sont déroulés ceux d’Encrypted ?
Matt – La façon de fonctionner est restée la même : ce sont les guitaristes qui composent la musique. Yves et l’interprète écrivent les textes et les lignes de chant.
Comment avez-vous découvert Barbara ?
Matt – La performance de Madie au Hellfest ne nous a pas du tout satisfaits. On ne vient pas du même monde musical ; on a donc essayé de discuter avec elle de la façon dont un chanteur metal travaille sa voix mais elle n’a pas eu envie de nous écouter. J’ai vu une des vidéos de Barbara où elle chante en chant clair et en chant guttural. J’ai constaté qu’elle n’était pas loin de nous géographiquement, sans quoi cela aurait été très compliqué. J’en ai parlé à Yves et celui-ci a pu discuter avec elle au Wacken. Suite à cela, Barbara a enregistré quelques démos. C'était acté !
Yves – Le premier défi que Barbara a dû relever, c'était pour notre première date ensemble au Full Metal Holiday, à Majorque, où nous devions jouer 40 minutes. Au final, on a découvert que le set allait durer 75 minutes, et qu'on passait juste avant Grave Digger ! Barbara a eu deux semaines pour bosser sur tous les morceaux. Elle a appris tous les textes en un temps record et a relevé le défi haut la main, sans prompteur.
Barbara – Je mangeais Nightmare, je dormais Nightmare… (Rires) C’est ce qu’il faut quand on a une deadline aussi courte : tu vas au charbon.
Yves – C’était soit ça, soit on annulait le concert.
Avec ce nouveau changement au poste de vocaliste, n’avez-vous pas eu peur de la réaction du public ? J’ai vu que les gens n’étaient pas tendres avec vous sur vos réseaux…
Matt – Les gens aiment le drame : ils s’en nourrissent. Après le communiqué de Madie sur Internet, on a mis un point d’honneur à rester neutres et ne pas réagir. On attendait cette journée promo pour commencer à parler et à raconter ce qui s’était passé. Tout le monde adule Aeternam (2020) et à juste raison : c’est un super album. En revanche, on a dû retoucher les lignes de chant avec l’auto-tune. Donc cet album sonne parfait grâce aux réarrangements !
Barbara, comment as-tu vécu ton intégration et l’accueil du public ?
Barbara – Je m’étais préparée aux « sacs de merde » ! (Rires) C’était sûr que ça arriverait. Je me mets aussi à la place des gens : tu adores un album, un chanteur, il ou elle se fait remplacer et on ne sait pas exactement pourquoi… Cela peut créer de l’animosité. Ceci dit, derrière l’écran, c’est nous qui lisons ce que les gens écrivent. Ça touche à notre travail et ce n’est pas évident à vivre. Du moins, au début ! Maintenant, ça n’existe plus pour moi. (Rires) Je me dis que le fait que les gens commentent fait marcher l’algorithme des réseaux sociaux, donc c’est très bien ! Mais il faut arrêter de lire et continuer à faire ce qu’on aime.
Yves – Je souhaiterais ajouter qu’en termes de retours professionnels, c’était extrêmement positif, et peut-être plus positif que pour les chanteurs précédents. Ça en dit long et c’est super important pour nous.
Selon vous, quelle est la plus-value de Barbara ?
Matt – Son humanité. C’est une nana super. Les deux dernières personnes qui ont assuré le poste avant elle avaient un caractère bien trempé… Attention : Maggy est une excellente chanteuse, elle a même donné des cours à Barbara par le passé. Mais souvent, les forts caractères mettent une ambiance de merde… En plus de cela, le chant guttural de Barbara nous a ouvert des possibilités.
Barbara, qu’est-ce qui t’a plu chez Nightmare ? Connaissais-tu le groupe ?
Barbara - J’ai grandi près de Grenoble donc je les connaissais de loin mais je les ai davantage suivis quand Maggy est devenue leur chanteuse. C’était touchant d’avoir cette proposition. J’en suis très contente !
Pourquoi avoir choisi de réenregistrer le morceau « Eternal Winter » parmi tant d’autres ?
Matt - « Eternal Winter », extrait d’Insurrection (2009), n’a jamais fait l’objet d’un clip. Pour moi, cette compo’ est une des plus belles réalisations du groupe. Après le COVID, le changement de lineup et la sortie d’Aeternam, il y a eu un gap de six / huit mois. On voulait faire quelque chose avec Barbara et ça s’est fait naturellement. Il faut plus le voir comme un cadeau plutôt qu’une réelle affirmation de quoique ce soit. Ajouté à cela, c’est le seul titre des « vieux » albums qu’on joue systématiquement sur scène, quel que soit le lineup.
Le clip de « Saviours of the Damned » brille par sa sobriété mais aussi son côté pro. Comment s’est déroulé le tournage ?
Barbara – On a été vraiment pris par le temps. Au départ, on avait un concept totalement différent et en extérieur. À la vue de la météo, on a dû se rabattre sur un plan B en intérieur. On a bien fait parce qu’il a plu ! On s’est dit qu’il fallait qu’on trouve un concept plus intéressant car ce qui était prévu au départ n’aurait pas fonctionné. On a brainstormé avec le réalisateur. On a décidé de garder les figurants et d’en faire des consciences oubliées sous bâche. Cela fait référence à pas mal de films que le réalisateur a pu voir aussi. Ça a été une sacrée organisation ! Évidemment, on n’a pas pu faire tout ce qu’on voulait mais on est quand même contents du résultat qui est visuellement intéressant, selon moi.
Quel sera le prochain clip ?
Matt – Il s’agira de « Nexus Inferis » ! Le titre est déjà disponible et le clip sortira début juillet.
Dans le communiqué de presse officiel publié pour la sortie d'Encrypted, il est rappelé que Nightmare a fait la première partie de Def Leppard pour son tout premier concert en 1983. Yves, de quoi te souviens-tu ?
Yves – Je me rappelle qu’on avait joué au foot avec eux pendant que leurs roadies faisaient les balances (Rires) C’était un super souvenir. En plus, la salle était blindée.
Puisqu'on parle du passé, parmi les choses qui n’existent plus aujourd’hui dans la musique, qu’est-ce qui vous rend le plus nostalgique ?
Yves – Il faut vivre avec son temps mais il est clair qu’avant, il y avait beaucoup plus de monde aux concerts. On faisait la bringue dans les bars metal… La scène était vivante et il n’y avait pas les réseaux sociaux.
Barbara – Le côté humain et les supports physiques comme le CD, le vinyle… Encore une fois, depuis le COVID, on a un peu perdu le contact avec les gens. Ils ne bougent plus trop alors qu’on a davantage de moyens différents pour promouvoir les concerts. Il y a clairement un avant et un après. C’est logique car on a quand même vécu un traumatisme mais j’ai l’impression que ça creuse encore plus le fossé.
Matt – Il y a 10 ans en arrière, on pouvait encore faire des échanges de dates avec des groupes qui t’invitaient chez eux et, en retour, tu les invitais dans ta ville. C’était génial mais ça n’existe plus aujourd'hui. Il y a quelque chose que je ne comprends pas avec Nightmare : l’année passée, on a fait une date à Savigny-le-Temple (77), près de Paris, à l’occasion de la Warm Up du Plane’r Fest. C’était gratuit… Et pourtant, il n'y avait que trente personnes dans la salle.
Barbara – Il y avait même des groupes du coin qui jouaient avec nous et bizarrement ça n’a rameuté personne.
Matt – Par contre, Iron Maiden remplissent trois fois l’Accor Arena (Paris, ndlr). Pareil pour Metallica au Stade de France (93). Pour moi, si tu aimes ces groupes, tu peux apprécier Nightmare. Le problème, c’est que si les gens ne vont plus aux concerts, on va crever. Sans mécène, notre seule chance de sortir un doigt de l’eau, c’est de vendre trois t-shirts et dix CD.
Un gros événement se prépare à Seyssinet-Pariset, dans la banlieue de Grenoble, le 18 octobre prochain avec les anciens membres du groupe. Pouvez-vous expliquer comment vous en êtes venus à prévoir ce concert qui marque votre réconciliation ?
Yves – La démarche a été initiée par David (Amore, ex-batteur, ndlr), que j’ai trouvé très noble. Il est venu au concert de Rhapsody of Fire, auquel je l’ai invité. On ne s’était pas revus depuis longtemps. C’était de belles retrouvailles : on a fait table rase du passé et on a enterré la hache de guerre ! Plus tard, on s’est réunis avec Jo (Amore, ex-chanteur, ndlr) autour d’un repas et on s'est remémoré les bons souvenirs. On a réalisé qu’on avait probablement passé plus de temps dans ce groupe que d'années qu’il nous reste à vivre. Le jour où on se retrouve en déambulateur dans un EHPAD, ça serait con de vivre dans les regrets (Rires) Plus sérieusement, le temps a fait son œuvre. C’est comme dans un divorce où tu finis par devenir pote avec ton ex des années après !
Le hasard a bien fait les choses puisqu’on fête en 2024 les 40 ans de notre premier album Waiting for the Twilight (1984). L’idée était de combiner cet anniversaire et la release party d’Encrypted. Il s’agira donc d’un double show : le concert avec les anciens et celui avec les membres actuels. Il est important que les gens n’attendent pas la veille pour prendre leurs billets. Depuis COVID, ils se disent qu’ils peuvent les acheter trois jours avant mais il se peut que celui-ci affiche complet. Ça sera un concert historique !
_____________________________
Photo d'introduction : Where the Promo Is lors de la journée promotionnelle de Nightmare à Paris le 25 avril 2024.