Unleash the Archers : Brittney nous dit tout !
Bien qu'ils ne soient plus passés par chez nous ces dernières années, les Canadiens d'Unleash the Archers sont néanmoins hautement appréciés de ce côté de l'Atlantique. Connus pour leurs albums de power metal très inspirés par la Fantasy et la technologie, ils reviennent cette année avec Phantoma, qui a la particularité de raconter son histoire sur fond de dystopie. C'est à l'occasion de sa récente sortie que l'excellente chanteuse Brittney Slayes a accepté de s'entretenir avec Vintera Magazine. Si nous sommes revenus sur la polémique autour de l'emploi de l'intelligence artificielle sur le clip « Green & Glass », cela ne nous a pas empêché d'aborder également la présence remarquée de Brittney aux concerts d'Ayreon en septembre dernier, ou encore de parler d'un pays connu pour son sirop d'érable, ses caribous et l'amabilité de ses habitant(e)s…
Vous avez reçu des critiques mitigées sur votre clip « Green & Glass » à cause de l’emploi de l’intelligence artificielle. Quelle a été votre réaction au sein du groupe ?
Brittney – On ne s’y attendait pas. On s’était dit que, puisqu’on payait un artiste et qu’on avait pris toutes les précautions, on n’aurait pas d’ennui. Au final, c’est simplement l’emploi de l’intelligence artificielle qui a posé problème : dans la mesure où elle est présente, les gens pensent qu’on n’a rien créé par nous-mêmes, ce qui est totalement faux. La proportion gérée par l’IA était très minime et 90 % de la vidéo a été conçu par le RuneGate Studio. Tout a été filmé sur fond vert et les personnages sont réellement incarnés par les membres du groupe. J’ai même joué le personnage principal Phantoma. Les visuels ont été déployés grâce à l’Unreal Engine 5 (moteur de jeu vidéo créé par le studio de développement américain Epic Games, ndlr). Tout ce qu’on a fait, c’est se servir d’un logiciel pour lier les séquences filmées avec les visuels du concepteur. Tout était dans la description de la vidéo mais personne n’a pris la peine de s’y pencher ou de s’intéresser aux logiciels cités.
Jusqu’à ce que l’IA contrôle chacun des aspects de nos vies, le sujet fera débat et on subira toujours les opinions des uns et des autres. On sait qu’elle va supprimer certains métiers, du développeur de logiciels au caissier de supermarché. De plus en plus de robots vont nous remplacer mais les gens veulent que la créativité humaine le soit à 100 %. Pourtant, elle a toujours bénéficié de la technologie au fur et à mesure de son évolution. Certains considèrent qu’un dessinateur sur iPad n’est pas un véritable artiste… Parfois, il est vrai que l’IA fait tout le travail pour toi mais il y a un monde entre cette démarche-là et l’utiliser juste comme un outil. C’est aux artistes de faire ce choix et on devrait leur en laisser la liberté !
Tu peux aussi créer parce que c’est ta passion et pas pour générer de l'argent. De notre côté, on ne s’est pas lancés dans la musique pour ça. D’ailleurs, on travaille toujours en parallèle. C’est la raison pour laquelle je ne me soucie pas de savoir si des musiciens emploient l’IA ou non : personnellement, cela ne m’empêchera jamais de faire de la musique comme je l'entends.
Si tu pouvais revenir en arrière, tu changerais quelque chose ?
On a utilisé l’IA parce que c’est l’un des thèmes de notre album. Et encore, je dirais même que ça parle avant tout du cheminement de l’androïde Phantoma. On ne parle pas de l’intelligence artificielle telle qu’on la conçoit dans le monde réel : on s’est inspirés des sagas Terminator, Alien, Star Trek et Star Wars. Donc, de la science-fiction !
Unleash the Archers s’est toujours attaché à développer de vraies histoires pour ses clips. Je pense notamment à « Faster than Light » et « Dawn of Ages » pour les plus anciens, et c’est encore le cas aujourd’hui. Qui se charge de l’élaboration de ces scénarios ? En quoi est-ce important pour vous de raconter des histoires dans vos vidéos ?
C’est Scott, notre batteur, et moi-même qui lançons des idées mais les autres apportent aussi leur contribution. J’aime qu’il y ait une intrigue intéressante ou, du moins, des visuels qui captivent. C’est ce qui me donne envie de regarder jusqu’à la fin. J’ai besoin que cela m’emporte. Je trouve cela bien plus passionnant que de voir le groupe jouer dans un entrepôt ! Mais cela n’engage que moi car je sais que beaucoup adorent ça et c’est très bien aussi.
Si tu avais un budget illimité en ta possession, qu'en ferais-tu ?
Je serais probablement en tournée sans arrêt !
En septembre dernier, tu as participé aux concerts d’Ayreon : 01011001 - Live Beneath the Waves, aux Pays-Bas. Pour la quasi-totalité de tes apparitions, on t’a entendu chanter dans le registre lyrique. Je pense que nous avons été nombreux à être surpris de ta technique très maîtrisée ! La plupart des fans d’Arjen Lucassen t’ont connue via ta participation à l’album Revel in Time (2022) de Star One sur le titre « Fate of Man », que tu as également interprété lors de ces concerts, et où ton chant est bien plus heavy. Avais-tu déjà ces compétences dans le registre lyrique avant qu’Arjen t’invite pour interpréter ces parties-là ?
Je pratique le chant classique depuis toujours ! J’ai été dans un chœur de chambre quand j’étais plus jeune et plus tard, j’ai intégré la chorale de ma fac. On est même partis en tournée dans le monde entier pour interpréter des airs classiques mais aussi des compos’ empruntées à la pop culture. Finalement, c’est le chant heavy que j’ai dû apprivoiser à la création d’Unleash the Archers (Rires).
Arjen savait déjà ce dont j’étais capable. Il m’a demandé d’écouter les parties que Floor (Jansen, ndlr) chante sur l'album 01011001 (2008) pour les prendre en charge en live, ce que j’ai accepté. En revanche, je savais que « Fate of Man » représenterait un plus grand défi en live car elle ne laisse aucun répit ! Il faut être à fond tout du long. C’était un réel honneur d’être invitée à cette série de concerts.
C’est drôle parce que je suis capable de revenir sur les albums d’Unleash the Archers à l’infini et me faire du mal en remarquant tout ce que j’aurais pu mieux faire. En dehors de ça, je n’arrive pas à réécouter ma voix sur le travail des autres. Par exemple, j’adore l’album de Pyramaze sur lequel j’apparais (Epitaph, sorti en 2020, ndlr) mais quand je m’y replonge, je zappe toujours le morceau sur lequel ils m'ont invitée (Rires).
Étais-tu fan des projets d’Arjen avant de participer à ses projets ?
J’avais justement entendu des extraits de 01011001 mais je n’avais pas encore eu l’occasion de me pencher sur les autres albums. Quand Arjen m’a invitée aux concerts, c’était la première fois que je me posais pour m'imprégner de 01 du début jusqu’à la fin. Et je dois dire que j'étais vraiment passée à côté de quelque chose ! Maintenant, je l'écoute de temps en temps, dans la voiture… Il ne représente plus la même chose pour moi désormais. Je connais les moindres lignes de chant et les interprètes tandis que je me remémore les échanges qu’on a eus.
Y as-tu rencontré certains artistes que tu admirais déjà ?
Oui, bien sûr ! J’ai adoré rencontrer Hansi (Kürsch, chanteur de Blind Guardian, ndlr). C’est quelqu’un de positif et sympathique. J’adore la voix d’Anneke van Giersbergen. Elle a collaboré avec Amorphis par le passé et c’est l’un de mes groupes favoris. C’est souvent ses apparitions sur les albums d’autres artistes qui me captivent le plus. Je trouve sa tonalité incroyable et tellement unique !
Sa voix est vraiment magique !
C'est un bon mot pour la décrire, oui !
En 2016, Unleash the Archers a tourné pour la première fois en Europe : c’était en compagnie de Tyr et Sirenia. Quelques mois plus tard, vous êtes revenus avec Orden Ogan et Rhapsody of Fire et avez cette fois effectué un arrêt au Petit Bain de Paris. Que te souviens-tu de ces premiers pas sur le Vieux Continent ?
C’était génial. Tyr et Sirenia incarnent l’esprit scandinave à la perfection. C’était festif ! (Rires) Nos groupes se sont bien trouvés, on était dans le même délire.
Concernant la date à Paris en 2017, je me souviens que c’était magnifique. Je me rappelle le bateau sur lequel on a joué ainsi que le fleuve où on s’est baladés. Il y avait des arbres à perte de vue et plein de gens sur leur vélo. C’était superbe. J’aurais pu m’y promener et en oublier de jouer ! Le show en lui-même était plein à craquer, on a passé un excellent moment. Juste après, on a rencontré le public au stand de "merch" : certains spectateurs étaient fans du groupe depuis longtemps. J’ai l’espoir qu’on revienne chez vous en tête d’affiche au Printemps 2025.
Quelles sont les différences majeures entre les publics européen et nord-américain ?
Il n’y en a pas tellement. lls sont tout aussi enthousiastes. Le public de ce type de musique a tendance à vouloir passer un bon moment et s’éclater. En revanche, vos salles n’ont rien à voir. Je pense que le heavy metal est davantage respecté en Europe qu’en Amérique du Nord. Chez vous, quelle que soit la salle, c’est toujours décent et on a le traiteur à disposition. Ici, à notre niveau, on joue dans des salles crades et on s’estime heureux si on nous fournit un pack de bouteilles d’eau (Rires). La différence de traitement est grande.
Comment expliques-tu cela ?
C’est probablement dû au fait que nos pays sont plus jeunes : ici, on a du mal à apprécier les bonnes choses (Rires) Nous n’avons pas traversé autant d’épreuves que l’Europe. Votre culture est bien plus ancienne et les peuples ont souffert de tant d’événements dramatiques comme les guerres, la destruction… Voir son pays complètement anéanti et être capable de surmonter cela, c’est admirable. Je pense que cela nous fait réaliser que certaines choses valent la peine d’être chéries.
Pour terminer, j’aimerais parler plus précisément du Canada : de nombreux Français qui n’y ont jamais mis les pieds fantasment sur votre pays sans réellement savoir pourquoi. Ce qu’on sait, c’est que vous avez des paysages majestueux et que les Canadiens y seraient particulièrement gentils ! Est-ce que tu confirmes ?
Je pense, oui ! (Rires) Du moins, on est polis. On ne va pas nécessairement s’ouvrir aux autres dès la première rencontre mais on ne veut pas causer d’ennui ou être bruyants… Quand on voyage, on adore faire de nouvelles expériences, rencontrer des gens et profiter. Je pense que c’est de cet enthousiasme là qu’on tient notre réputation. Ceci dit, tout dépend de ta définition de « gentillesse » ! Est-ce qu’il s’agit d’accueillir chez toi la personne que tu viens de rencontrer au café du coin, ou bien de retenir la porte à quelqu’un et le laisser passer ?
Ce que je peux affirmer (et je sais que je ne suis pas objective), c’est que quel que soit l’endroit où je me trouve dans le monde, je retourne toujours à Vancouver en me rendant compte de ma chance. C’est vraiment une ville magnifique ! On a les montagnes, l’océan, les parcs… C’est tout ce dont tu pourrais souhaiter. Le coût de la vie est très élevé, ce qui peut rendre le quotidien difficile, mais ça vaut tellement le coup. Je suis vraiment reconnaissante d’être née ici. Donc je comprends tout à fait pourquoi les gens veulent venir ici et je ne saurais te le recommander davantage !